Les millésimes pesticides
Va-t-il falloir bientôt lire une notice de mise en garde avant de boire un Saint-Emilion, un Mercurey ou un Graves ? Verra-t-on prochainement, apposée sur les bouteilles, la fameuse tête de mort au centre de son triangle jaune ? 

Tout porte à croire en tout cas que les pesticides possèdent un don d’ubiquité étonnant puisqu’on les retrouve jusque dans certaines bouteilles de grands crus. Et après le mini-scandale de la contamination des vins début avril, la DGCCRF enfonce le clou avec son étude sur la présence de ces molécules chimiques dans notre alimentation.

LES FAITS

Au début du mois, la Direction Générale de la Concurrence, de la consommation et de la répression des Fraudes (DGCCRF) publiait les résultats de son étude annuelle sur la présence des pesticides dans l’alimentation (réalisée en 2006 sur des fruits, légumes et céréales distribués en France dont 70% d’origine française). Les résultats montrent que 6% des fruits et légumes présentent des teneurs supérieures aux limites maximales de résidus (LMR). Sont concernés essentiellement par ces dépassements les poivrons, les piments, les lentilles, les aubergines ainsi que les fraises, les mandarines et les poires. Les céréales sont les bons élèves puisque seules 0,4% des échantillons présentent des dépassements.
Cette étude suit de peu celle conduite sur un panel de 40 échantillons de vins rouges d’origines diverses (dont 10 français, 3 bourgognes et 7 bordeaux), à l’initiative du Pesticides Action Network Europe (PAN-Europe). Si les concentrations en pesticides des crus en question (tous du millésime 2002) ne dépassent pas les LMR, on trouve quand même des traces de quatre à dix molécules inscrites pour la plupart comme agents cancérigènes, mutagènes ou perturbateurs endocriniens par la directive européenne sur les substances dangereuses !

LE POINT DE VUE

Cancers, stérilité, troubles neurologiques, dysfonctionnements hormonaux, baisse de l’immunité : elle est longue la liste des troubles de la santé dont on accuse les pesticides d’être en partie responsables. Et quand on sait que l’Europe en vaporise dans l’environnement plus de 220 000 tonnes par an (dont 80 000 pour la France, troisième consommateur mondial), il n’y a rien d’étonnant à ce qu’on les retrouve partout, y compris dans le vin !

Les chiffres relevés dans l’alimentation n’ont rien d’étonnant ou de neuf. Régulièrement, des études conduites au niveau européen mettent en évidence des contaminations au dessus des LMR de l’ordre de 5 à 7% (notamment chez les fruits et légumes produits hors saison – salades d’hiver, etc.). Ce qui est plus problématique, c’est que près d’un fruit et d’un légume sur deux contient des pesticides à des taux inférieurs à la LMR. Et même si leurs taux sont «administrativement corrects», on est en droit de se demander ce qui se passera dans quelques années compte tenu des phénomènes de bio-accumulation.

Enfin, concernant le vin, les raisins arrivant régulièrement dans le top five des fruits les plus contaminés (la viticulture représente 3% des surfaces cultivées en France, mais consomme 20% des pesticides selon l’INRA !), il n’est pas étonnant de trouver des pesticides dans les bouteilles.
Ce qui est plus étonnant en revanche, c’est le silence radio qui a entouré la publication des résultats de l’étude du PAN-Europe. Car à part quelques articles de presse (dont Le Nouvel Obs), le sujet est passé relativement inaperçu. Mais quand on apprend que, parmi les dix bouteilles françaises, trois étaient de grands crus et vendues plus de 200 euros pièce, on trouve certainement un début d’explication…

PASSER A L’ACTION

De nombreux viticulteurs se battent pourtant quotidiennement pour préserver la qualité de leur production. 
Les agriculteurs bio sont en tête avec des pratiques 100% naturelles. Mais il ne faut pas négliger non plus les efforts des exploitants qui pratiquent l’agriculture raisonnée. Concrètement, au lieu d’épandre des molécules chimiques tous azimuts sur la parcelle même quand cela n’est pas nécessaire (avec pour mot d’ordre mieux vaut prévenir que guérir), l’agriculture raisonnée invite à observer à étudier le mieux possible les besoins précis de la vigne avant d’introduire des pesticides ou des engrais. Cela permet une réduction des quantités appliquées, et donc des taux de contamination.

Mais les agriculteurs bio comme «raisonnants» ne sont pas nombreux. Et leur nombre n’augmente pas vraiment faute d’encouragements de consommateurs davantage attentifs aux AOC qu’aux pratiques plus écologiques de culture de la vigne. Certaines associations travaillent donc à développer un label pour les vins un peu plus respectueux de la planète (voir l’article du Journal du Développement Durable).

Alors en attendant le 5 juin la remise des prix du concours organisé par les associations Terra Vitis et Farre (liste des lauréats – les meilleurs crus ! privilégiez lors de vos achats les vins bio et, sinon, ceux issus de l’agriculture raisonnée !